Lettre à Mme. Elisabeth BORNE, Ministre des Transports - 25/10/2017
Après votre visite bienvenue sur le Port, l’été dernier, je souhaite vous faire connaître de façon plus ample mes réflexions sur l’avenir du Grand Port Maritime de Marseille et, en particulier, les projets de développement de son bassin ouest.
Premier port maritime de France et quatrième d'Europe, le GPMM constitue un atout majeur de l'activité économique régionale et nationale. Il est un acteur incontournable dans les échanges internationaux pour l'industrie, le commerce et le tourisme. Situé au cœur de la zone industrielle de Fos-sur-Mer, le GPMM est, par son bassin Ouest, le seul port de la Méditerranée accessible par les trois modes de transport : fer, fleuve et mer. Il accueille 462 000 m2 d'entrepôts pour les plus grandes enseignes mondiales commerciales (Ikéa, Maison du monde etc) et industrielles (Esso, Arcelor Mittal, Elengy, Lyondell Basell, Kem One etc). Avec une hausse de 3% en 2016, son activité conteneurs présente une croissance supérieure à la moyenne des ports européens.
Le GPMM entend légitimement de poursuivre son développement.
Notre pays, avec l’ensemble des acteurs du Port et du territoire, doit porter une ambition forte pour ce port, inscrite dans un projet de progrès social, écologique et démocratique. Ainsi, nous devons dessiner les contours d’un grand port du XXIème siècle, qui est déjà en train d’émerger. Le port du XXIème siècle sera un port écologique.
Premièrement, le développement du port, indispensable à relever les défis économiques et environnementaux, ne pourra se faire sans investissements dans des infrastructures, à commencer par les infrastructures ferroviaires. En effet, il faut envisager le doublement de la voie reliant le port à la gare de triage de Miramas, afin de permettre une meilleure fluidité du trafic.
Et un tel développement ne peut s’envisager sans s’occuper de la gare de Miramas elle-même, sujet sur lequel j’ai demandé l’organisation d’une table ronde. En effet, nous savons que ses installations sont vieillissantes, datant d’une trentaine d’années. Le travail d’entretien quotidien s’intensifie pour maintenir le fonctionnement du triage sans que cela ne permette le maintien des capacités pleines et entières : 2 installations sur 6 de « freinage automatique » sont actuellement condamnées. Pour remettre les installations en état, il faut un investissement conséquent, estimé entre 17 et 19 Millions d’euros. L’Etat doit se mêler de cette question sans tarder.
L’accroissement du trafic de conteneurs impose ces investissements afin d’améliorer la qualité du service, mais aussi d’éviter le balai incessant des camions avec leurs rejets de gaz à effet de serre et polluants, et leurs cortèges de risques accidentels liés à une circulation routière déjà extrêmement dense. Cela ne doit pas empêcher le doublement des voies de la route départementale 268, très accidentogène, qui est en projet et, de ce fait, sa sécurisation.
Par ailleurs, pour compléter utilement le dispositif actuel, de nombreuses voix portent l’exigence du percement de la darse 2, permettant de creuser un canal rattaché au canal du Rhône et, ainsi, de développer du transport de matériaux par voie fluviale, accroissant le lien du Port avec son hinterland.
Je voudrais également attirer votre attention sur la nécessité de garantir un meilleur entretien de nos ports. Cela nécessite le développement d’un outil public de dragage qui ne pourrait être que bénéfique aux darses du GPMM, favorisant ainsi l’accueil de navires à fort tirant d’eau.
Deuxièmement, le développement d’une intermodalité performante suppose des outils de chargement-déchargement dont visiblement le nombre devrait être accru dans les prochaines années.
Je veux insister sur un point : l’ensemble de ces activités demande de la force de travail, du savoir-faire et de l’intelligence humaines. C’est par la pleine reconnaissance des travailleurs du port dans leur diversité que le Port pourra gagner son développement. Leur travail est essentiel à honorer les ambitions que l’on peut se fixer pour un port : le respect des marchandises, des infrastructures et de l’environnement.
De surcroît, la dimension écologique du Port suppose une accélération des mutations technologiques entamées. Malgré les menaces que fait peser sur lui la cession à Fincantieri et l’occasion délaissée de voir l’Etat jouer un rôle majeur en la matière, les chantiers STX sont capables de construire des navires de nouvelle génération autrement moins polluants que ceux du siècle dernier. Les armateurs doivent renouveler leur flotte afin de s’inscrire dans la transition écologique.
De leur côté, les infrastructures portuaires doivent aujourd’hui proposer une gamme de services permettant de limiter au maximum les rejets. Des initiatives ont déjà été prises en ce sens.
Un travail de concertation doit être entrepris dans le pays pour passer à la vitesse supérieure sur ce sujet.
La filière maritime est en train de connaître un début de redynamisation dans notre secteur, notamment en matière de réparation navale, et cela doit être conforté avec attention. Pour ce faire, il est indispensable d’envisager des formations qualifiantes et diplômantes. Sur chacun des deux bassins, des acteurs portuaires portent des projets complémentaires d’écoles de formation aux filières maritimes, c’est le cas à Port-de-Bouc et à Marseille. Il me semble décisif de donner l’impulsion publique nécessaire à ces projets.
Parallèlement, avec nombre d’acteurs locaux, je revendique pour le GPMM, le développement d’une activité de déconstruction navale. Une telle filière avec ses développements en matière de valorisation des matériaux récupérés, en lien avec les industries déjà présentes sur le territoire pourrait utilement s’installer. On a trop vu de navires pourrir en mer ou sur des côtes de pays en voie de développement. L’exigence d’une déconstruction pleinement inscrite dans une économie circulaire s’impose. Le GPMM pourrait devenir une place forte de la Méditerranée en la matière. Il faut, là aussi, mettre un coup d’accélérateur.
Je serai particulièrement attentif à l'aboutissement de ce projet dans sa dimension économique et environnementale.
Troisièmement, le GPMM est au croisement de problématiques fondamentales notamment par ses liens intrinsèques avec l'activité industrielle. La zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer se trouve parmi les pôles décisifs dans le pays, en Europe et en Méditerranée. Elle doit le rester et le port ne saurait se réduire à un point de passage de marchandises produites ailleurs et pour l’essentiel importées. Son essor participe de l'intérêt général et, à ce titre, il indissociable de celui d'une activité industrielle performante, respectueuse de l'humain et de la planète.
Je veux insister sur la nécessité d’une politique industrielle forte, cherchant à développer les filières pour mieux répondre aux enjeux de notre temps. Mieux y répondre, c’est imaginer les nouvelles unités de production qui seraient utiles à prolonger la production actuelle, c’est inventer les procédés de récupération et de retraitement comme cela se cherche avec la plateforme PIICTO, c’est refuser d’abandonner les stratégies industrielles aux actionnaires comme le savent si bien les salariés de la zone. Le tissu de PME qui est essentiel au côté des grands opérateurs doit faire l’objet d’une attention particulière. A ce propos, il convient de s’inquiéter de la situation de la sous-traitance, souvent utilisée pour déroger à un certain nombre de règles qui n’ont pas été édictées par hasard.
Cela m’amène à vous parler de la santé au travail. Les infrastructures doivent être mieux contrôlées, et les industriels placés devant leurs responsabilités. La disparition des CHSCT, dans notre zone industrialo-portuaire est une mesure qui ne laisse pas d’inquiéter. Les normes de production doivent faire l’objet d’un meilleur contrôle, à la fois pour les salariés et la population environnante.
Le développement industriel, comme celui des services portuaires, ne saurait se faire sans énergie. Nous attendons avec impatience les premières installations d’éoliennes en mer. Toutefois, une évaluation publique des besoins énergétiques en rapport avec les projets engagés est sans doute nécessaire.
Au coeur d’enjeux régionaux et nationaux, l’avenir du GPMM est, pour les habitants de ce territoire, une question majeure. Je regrette que son organisation démocratique soit à ce point atrophiée. Il conviendrait plutôt d’en faire un bien commun jusque dans sa gestion. Quoiqu’il en soit, il mérite d'être inscrit parmi les priorités de l'action gouvernementale dans notre territoire.
J’ai participé, à l’initiative de Gaby Charroux, Maire de Martigues, voici quelques jours, au lancement d’une grande campagne visant à classer l’étang de Berre au patrimoine mondial de l’UNESCO. Nous demandons son classement en mettant pleinement en valeur sa qualité d’écosystème humain, avec dans l’idée que nous saurons lui donner un avenir harmonieux, cherchant en permanence la meilleure interaction entre le territoire et celles et ceux qui l’habitent. Il serait, au passage, de bon aloi que le gouvernement apporte son soutien à cette démarche.
J’entends beaucoup parler d’investissements concernant le trafic au Nord de notre pays, et d’ailleurs la Cour des comptes, dans son dernier rapport y incitait, mais il me semblerait désastreux d’en oublier le Sud, les deux étant nécessairement complémentaires. Lors du Conseil des ministres du 2 août, un plan d’investissements a été annoncé. Il affiche l’intention de promouvoir la réalisation d'aménagements en adéquation avec les objectifs affichés dans le grand plan d'investissement annoncé notamment ceux qui répondent à la fois, aux problématiques de la mobilité et d'empreinte écologique.
En regard des sujets que je viens d’évoquer à propos du GPMM, je souhaiterais savoir, Madame la Ministre, quels sont les investissements que vous entendez programmer.
Vous avez eu l’occasion d’échanger avec les autorités portuaires. Je souhaiterais également que vous puissiez entendre les représentants des salariés et des élus locaux. A cet effet, je me propose de vous rencontrer avec une délégation issue de ma circonscription, qui englobe l’ensemble des bassins Ouest du GPMM.