J’ai un attachement très sensible aux colonies et aux camps de vacances. Depuis petit... Ce que j’ai pu y voir à l’oeuvre, ce sont de formidables aventures humaines, la découverte de soi, des autres, du monde. Je me rappelle nos escapades sur les volcans d’Auvergne, de ce goût de la surprise, du jeu, de la création... Je me souviens les courts-métrages, les jeux de rôles, les journaux télévisés, les forums matinaux, les matchs de foot épiques, les jeux olympiques... Et tant de visages, d’émotions. Ce que j’ai vécu dans ces moments de vacances a été plus qu’une source d’épanouissement d’un moment, cela continue de m’accompagner. Et je dois à ces expériences une part de ce que je suis. Vous parler d’évasion dans un moment de confinement, quoi de plus agaçant, diront les bougons.
Mais justement, n’avons-nous pas besoin de replonger dans ces vagabondages passés ou de nous inventer un imaginaire pour surmonter les épreuves et les blocages ? En tout cas, si j’en parle, c’est parce qu’au démarrage des vacances, de printemps, tous les séjours sont annulés et les minots vont devoir rester chez eux, sans voir les copains et les copines, parfois avec les parents qui travaillent.
Si j’en parle, c’est parce que tout un tissu associatif se trouve en stress. Le petit monde de l’éducation populaire, qui joue un rôle social si essentiel, a subi des mutations profondes et un affaiblissement sensible, ces dernières années. On dira que les vieilles colonies ne correspondaient plus aux attentes. J’ai connu cette phase où il fallait partir toujours plus loin, voler toujours plus haut, proposer les séjours les plus extraordinaires. On ne voulait plus simplement de ces plaisirs simples du siècle d’avant. Cette course en avant a correspondu à une marchandisation de plus en plus agressive des vacances pour les enfants. Bien sûr qu’il fallait proposer « le meilleur », mais à quel prix ?
Cette crise ne doit pas être l’occasion d’une nouvelle disparition massive d’associations d’éducation populaire.
Il ne s’agissait pas d’organiser les vacances bouts de ficelle pour les uns tandis que les autres accédaient à l’exception. Cela s’est couplé avec une augmentation drastique des normes de sécurité et d’encadrement, qui ont mis en défaut nombre de petites structures. Pas de nostalgie d’un âge d’or. Simplement l’attachement à quelque chose de précieux, à quoi nous devons prêter attention. Les nombreux séjours annulés, les nombreux jeunes non-embauchés, les nombreuses associations déséquilibrées... Le collectif Camps-Colos s’inquiète des conséquences. Pourtant, imaginons-nous les jours d’après sans colos ? Sans ces acteurs essentiels dans le maillage social, dans les liens à construire avec les enfants et les jeunes ? Cette crise ne doit pas être l’occasion d’une nouvelle disparition massive d’associations d’éducation populaire. C’est le sens de l’interpellation que j’ai adressée au gouvernement. Au-delà de la nécessité de décisions et consignes claires quant à l’organisation des séjours, il faut veiller aux dispositions économiques particulières qui semblent nécessaires. Et s’assurer, comme en matière culturelle, que les donneurs d’ordre institutionnels pourront de maintenir au meilleur niveau leurs engagements afin de ne pas voir le secteur s’effondrer.
L’école va donc s’interrompre la semaine prochaine pour de drôles de vacances. J’en profite à nouveau pour saluer le travail exemplaire des enseignants. Sans surprise, j’ai de multiples retours de leur engagement, de leur attention, de leur créativité pour continuer à accompagner les enfants dans ces conditions exceptionnelles. Le ministre de l’Education a précisé ce matin les perspectives, en particulier pour les examens, c’était devenu incontournable, car on ne pouvait pas laisser les élèves, leurs familles, et les enseignants dans cette incertitude. Je me disais qu’on aurait pu envisager la tenue d’épreuves de consolidation, ou de validation, enfin bref, une formule allégée, couplée à une prise en compte du contrôle continu, mais je dois reconnaître que cette perspective n’était pas si facile à installer. S’il est problématique, ce choix a au moins le mérite de clarifier la situation. Cela étant, on ne comprend pas bien la cohérence qu’il y a à maintenir les oraux de français. Il faut insister sur la constitution de jurys qui examineront les livrets scolaires et effectueront un travail d’harmonisation, comme sur la tenue d’épreuves de rattrapage. Enfin, je veux redire ici l’attachement qui doit être le nôtre à un diplôme national. J’ai combattu la réforme du Bac qui relativise les épreuves unifiées parce qu’elle institue de fait des diplômes à plusieurs vitesse, par établissement, et renforce les inégalités. Si cette expérience contrainte devait servir à aller encore plus loin et pérenniser cette formule dans les années à venir, cela serait évidemment encore plus inacceptable. L’année 2020 devrait rester une exception, mais je dois dire que celles et ceux qui auront leur bac cette année n’auront pas démérité au regard des conditions (qu’ils ne connaissaient pas de surcroît).
Pendant ce temps, un certain nombre de salariés vont se voir imposer des congés confinés, sans discussion, par leurs entreprises, puisque le gouvernement l’a autorisé... Et ils ne pourront pas partir en colo...