PLFSS 2022 - Explication de vote - séance du 26 octobre 2022
Le meilleur budget de tous les temps, de toute la terre, de tout le monde connu et inconnu, de tout l’univers visible et invisible. C’est la campagne de marketing qui accompagne ce vote.
Je comprends qu’il vous faille des mécanismes de protection psychologique pour assumer le bilan de cinq années de macronisme : ce quinquennat fut catastrophique en matière de santé et de protection sociale. Et encore, vous n’êtes pas allés au bout de votre projet… Donc en arrivant devant le radar de l’élection, vous levez un peu le pied. Il faut le reconnaître. Pas d’économies demandées à l’hôpital cette année, contrairement aux quatre années précédentes. La vérité, c’est que nous n’avez pas le choix et que « ne pas demander d’économies » ne répare rien dans un système en crise profonde. Les plans sont toujours sur la table, avec une trajectoire prévisionnelle qui confirme la tendance sur la durée.
Deuxième aspect, nous votons une loi de financement, c’est son nom, dans laquelle on ne cherche pas à financer, en fait. Ce n’est pas le but. Le jeu, c’est justement de ne pas financer, de ne pas aller chercher l’argent disponible : la cotisation est l’exception, l’exonération est la règle. Résultat : c’est toujours les mêmes qui payent et vous nous présentez un budget en déséquilibre, après nous avoir fait des leçons sur la dette publique et sociale. Il n’y a pas de doute, vous reviendrez dès que possible nous expliquer qu’il faut faire des économies, raboter nos droits, poursuivre le démantèlement de la sécurité sociale. D’ailleurs, pensez-vous qu’on ne vous a pas vu, au même moment, dans le compartiment d’à-coté, démantibuler obstinément l’assurance-chômage, après trois années d’efforts acharnés ?
La branche autonomie demeure sans recettes nouvelles. Et s’avère être un patchwork, avec de la récup arrachée aux autres branches. Changement de modèle pour le financement de la santé tout au long de la vie, mais la réforme de l’autonomie, avec ses transformations indispensables, son nécessaire grand service public, sa protection sociale solidaire augmentée, attendra encore, après cinq années de promesses réitérées.
Vous ne semblez pas par ailleurs engager de mouvement suffisant face à la pénurie de médecins et de soignants. Votre stratégie face à l’intérim est mal maîtrisée et fait des dégâts collatéraux mais nos propositions n’ont pu être examinées. Les besoins augmentent, les déserts médicaux s’étendent. Et les solutions que vous proposez relèvent du simple glissement de tâches. En somme déréguler sans par ailleurs réguler, sauf pour limiter l’accès direct aux professionnels spécialisés, je pense aux psychologues. Et sans reconnaître les métiers comme ils le méritent, je pense aux sage-femmes, avec des mesures toujours insuffisantes du Ségur saison 2 qui font encore des oubliés.
Si elles ne font pas un changement de cap, il y a bien quelques mesures positives, citons par exemple l’amélioration opportune du congé de proche-aidant, la contraception gratuite jusqu’à 25 ans, ou l’accès facilité à la complémentaire santé. Mais c’est un peu la braderie, la dernière démarque avant travaux, et histoire d’envoyer quelques signaux apaisants, vous en avez ajouté encore un peu par des amendements gouvernementaux de raccroc que notre assemblée n’a pas pu véritablement appréhender. C’est un peu comme si vous aviez des remords, des choses à vous faire pardonner. Mais tout cela est sous contrôle. Vous n’avez accepté que des amendements venus de la majorité, nous rappelant, à nous pauvres peuchères qui refusons de le reconnaître, que vous êtes tellement parfaits.
Ce débat a été escamoté. Le Parlement regarde passer le train affrété par le gouvernement. C’est la logique des choses : la veille déjà, nous nous étions vus imposer un état d’urgence sanitaire prolongé et augmenté jusqu’en juillet 2022.
Bilan de la semaine, le soin demeure bien en arrière plan. Le soin de l’humain, celui qui ne se quantifie pas dans les algorithmes, les plans d’efficience, les dotations à la qualité, les mesures d’ordre public, de contrôle et de surveillance… Loin de toute ambition sociale, le marché demeure votre horizon, on l’a vérifié pour les EHPAD, ou pour le médicament. Toujours pas de pôle public en vue, car l’excellence serait ailleurs …et la transparence aussi, et les dividendes aussi. Vous n’allez pas au bout des modifications nécessaires dans la fixation des prix par le Comité économique des produits de santé.
La crise devrait nous amener à repenser en profondeur l’organisation de notre système de santé et de protection sociale. Elle devrait nous amener à remettre en cause les choix qui, depuis des décennies, ont particulièrement abîmé la sécurité sociale, l’hôpital public, la solidarité.
Vous vous êtes perdus dans votre rêve, parce que le réel vous a rattrapés, vous a agrippés par le collet. Il ne rentre pas dans vos cases, et nous non plus.