Le bilan des ordonnances dites « pour le renforcement du dialogue social » est sans mystère. Les premiers travaux d’évaluation de l’Assemblée nationale, à la fin du mois d’avril 2019, ont dressé le portrait d’un dialogue social affaibli sur tous les plans, contrairement aux ambitions affichées par le gouvernement. En effet, le regroupement de toutes les instances et prérogatives au sein du comité social et économique (CSE) est d’autant moins en mesure de répondre aux enjeux que le nombre de salariés exerçant des responsabilités a été drastiquement réduit, que les enjeux de santé et de sécurité sont noyés dans un grand tout et que les leviers d’action ont été restreints. Cette situation fait courir de grands risques dans toutes les entreprises, et particulièrement dans les sites industriels classés pour la protection de l’environnement susceptibles de créer des accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, plus connus sous le terme de « Seveso », où la protection de la santé et de la sécurité des salariés, qui sont les meilleurs connaisseurs des installations, constitue également une protection pour l’ensemble des habitantes et des habitants vivant à proximité comme pour l’environnement.
La suppression des comités d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a conduit à baisser la garde où il aurait fallu plus de force encore ; elle revient à négliger la question cruciale des conditions de travail. Les acteurs concernés regrettent cette disparition et s’inquiètent des conséquences sur la santé et la sécurité.
En effet, l’existence des CHSCT représentait la possibilité d’un rempart : un dispositif d’alerte et de contrôle par ceux qui se trouvent en première ligne. Elle posait la santé et la sécurité comme des incontournables et des conditions premières sans lesquelles rien ne pouvait se faire. Elle établissait des droits susceptibles d’obliger l’employeur.
Nous savons combien la soif de profit peut si souvent s’imposer à toute autre considération. Or c’est le travail qui produit les richesses et trop souvent les femmes et les hommes y sont malmenés pour accroître les bénéfices de quelques‑uns. C’est pourquoi enlever des pouvoirs aux salariés pour faciliter la vie aux directions d’entreprises constitue un acte dangereux.
Face à ces enjeux, le dispositif déclenchant la création d’une Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) au sein du CSE dans les entreprises ou les établissements de plus de 300 salariés n’est pas suffisant. Au‑delà de l’affaiblissement de cette instance par rapport à la précédente, trop d’entreprises disposant d’installations classées dites « Seveso » demeurent sous le radar.
Or l’actualité est riche d’exemples démontrant la nécessité de ne pas relâcher l’effort. Des doutes s’aiguisent sur la bonne sécurité des salariés ‑ et par ricochet des riverains ‑ des installations classées dites « Seveso ».
Nous avons par exemple besoin d’accélérer singulièrement la progression sur les émissions de pollutions atmosphériques, comme en témoigne la situation dans les grandes concentrations industrielles comme celle du Golfe de Fos‑sur‑Mer. Nous avons besoin de vigilance renforcée, comme en témoigne l’accident majeur survenu à Rouen sur le site de Lubrizol le 26 septembre 2019.
Or le signal envoyé a été désastreux et l’affaiblissement des protections tangible. La santé au travail et le travail lui‑même méritent une autre considération. Que cette exigence ne soit pas mieux prise en compte dans les sites à risque constitue un manquement grave. Il parait donc nécessaire, au moins pour les installations classées pour la protection de l’environnement susceptibles de créer des accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, plus connues sous le terme de « Seveso », d’instaurer des instances dédiées et autonomes constituant un puissant levier de prévention.
Tel est l’objectif de la présente proposition de loi.
L’article unique prévoit la création obligatoire d’une Commission santé, sécurité et conditions de travail au sein du Conseil social et économique des entreprises et établissements d’au moins 50 salariés abritant des installations classées pour la protection de l’environnement susceptibles de créer des accidents majeurs impliquant des substances dangereuses.