La santé n’est pas une marchandise, c’est un droit ; et le médicament doit être un bien commun. Or celui-ci est devenu l’objet d’un gigantesque commerce, et le marché se soucie peu de garantir des droits.
La période que nous vivons a avivé la conscience de cet enjeu. Elle est venue souligner les failles des politiques publiques et la mainmise des puissances privées sur la politique du médicament, et cette situation appelle une action résolue.
J’en veux pour preuve les récentes déclarations du directeur général de Sanofi annonçant crânement son intention de favoriser les États-Unis en cas de découverte d’un vaccin contre le covid-19. Cette démarche scandaleuse en dit long sur l’état d’un secteur essentiel à la santé publique, et dont le financement est pour une large part assuré par les cotisations sociales.
Faut-il rappeler que cette entreprise a versé plus de 4 milliards de dividendes pour 2019, tout en annonçant la suppression de plusieurs centaines de postes, notamment dans la recherche et le développement ? Le crédit impôt recherche sert ainsi à financer les plans de restructuration. Pour 2020, le budget prévisionnel de la recherche et développement dans cette entreprise est en baisse de 4 % par rapport à l’année 2019.
La décision d’abandon de certains axes de recherche ou l’externalisation d’activités entraînent non seulement la fermeture des sites, mais aussi parfois la destruction de l’outil industriel. De quinze centres de recherche il y a vingt ans, il n’en reste plus que quatre. De la vingtaine d’axes de recherche, il n’en resterait qu’un seul réellement travaillé en France, oncologie et immuno-oncologie ; des 6 300 CDI français pour Sanofi en R&D en 2008, il n’en resterait au mieux que 3 500 avec le dernier plan annoncé en juin. En un an, dans les différentes activités du groupe, cinq plans sociaux se sont succédé, entraînant la suppression de plus de 1 500 emplois.
Sont abandonnées les recherches sur de nouveaux antibiotiques pour combattre les maladies infectieuses, alors que les résistances aux bactéries deviennent une grave menace sur la santé mondiale. Également abandonnées, les recherches sur l’insuffisance cardiaque, sur la maladie d’Alzheimer et bientôt sur celle de Parkinson, où les besoins thérapeutiques sont pourtant très criants. Abandonnées encore, les recherches sur les pathologies endocriniennes et métaboliques. Et je ne parle même pas de la production elle-même, largement délocalisée. Voilà l’état des choses.
À cela, il faut ajouter que Sanofi a décidé d’arrêter de passer commande à Famar, laboratoire produisant douze médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, maintenant menacé de liquidation. Je veux citer également l’entreprise Luxfer et sa production si nécessaire.
On peut toujours faire de grandes déclarations d’amour à la santé, à l’industrie, à la relocalisation ; mais ici, ce sont des actes que nous demandons, avec les salariés, depuis des mois.
Le médicament est un enjeu majeur de santé publique : comment soigner et se soigner si l’on ne peut pas compter sur la disponibilité des bonnes molécules ? Comment éviter l’addiction sociale aux traitements chimiques ? Comment empêcher la marchandisation du soin ? Comment assurer une recherche non conditionnée par les promesses de rentabilité ? Comment garantir la transparence et la justesse des prix ? Comment combattre l’appropriation privée des découvertes collectives ? Les questions sont nombreuses. Il faut encore citer celle des pénuries de médicaments – 1 200 produits ont ainsi été en rupture ou en tension l’année dernière, contre 800 l’année précédente – mais aussi la privatisation des découvertes par des politiques agressives de dépôt de brevet.
Depuis longtemps, les députés communistes défendent l’idée d’un pôle public du médicament. Des pièces du puzzle ont été à plusieurs reprises mises sur la table de l’Assemblée nationale ; et nous avons déposé il y a quelque temps une proposition de loi complète pour un service public du médicament, réorganisant les outils et créant un pôle public de production et de recherche capable de peser réellement sur le marché et d’assurer une meilleure réponse aux besoins, de façon déconnectée des enjeux de profit.
Nous ne devons pas accepter que la santé humaine soit devenue l’un des champs les plus lucratifs pour la finance. La loi de l’argent méconnaît l’intérêt général. Le droit à la santé ne peut être soumis à des calculs, à des spéculations ; il ne saurait être soumis à d’autres considérations que celle de la dignité humaine. Ces questions politiques sont donc aussi des sujets éthiques, des enjeux de civilisation. Nous voulons savoir, comprendre, décider en connaissance de cause en matière de médicament : c’est la meilleure garantie que nous pouvons nous donner pour faire face aux besoins de santé. Nous voulons un nouvel élan de la sécurité sociale, comprenant la prise en charge des soins à 100 % qu’une véritable stratégie publique du médicament pourrait permettre, au moins pour partie, de financer.
Envoyons un signal : ça suffit ! Défendons notre droit à la santé avec un service public du médicament.
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