Journée studieuse. Suivi un peu allégé de l’actualité et un peu d’avancement sur des dossiers de fond. J’en profite pour saluer le travail considérable abattu par mon équipe encore ces derniers jours pour faire face dans cette exigence qui est la mienne de me hisser à la hauteur des enjeux.
Nous apprenons que Yolanda Diaz, ministre communiste du Travail en Espagne, a annoncé ce vendredi l'interdiction des licenciements au sein d’une série de « mesures de protection pour les travailleuses et les travailleurs » : « Les licenciements motivés par la crise du Covid-19 sont interdits, l'emploi doit être maintenu durant la crise sanitaire », a-t-elle annoncé.
Suite à mes interpellations sur l’usage du chômage partiel, j’ai reçu une réponse du cabinet de la ministre du travail, qui semble se confirmer dans les nouvelles ordonnances faisant suite aux premières mesures : « Toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, qui subissent une baisse d’activité liée à la crise du COVID-19, sont éligibles à l’activité partielle. Les critères d’éligibilité sont clairement explicités dans l'infographie mise en ligne sur le site du ministère du travail. Ces principes ont été rappelés aux DIRECCTE. Par ailleurs les démarches ont été considérablement simplifiées et clarifiées : 30 jours à compter du placement des salariés en activité partielle pour déposer la demande, avec effet rétroactif ; acceptation tacite de la demande en l’absence de réponse au bout de 48h ». « Ces dernières 24 heures, me précise-t-on, nous avons enregistré une augmentation de près de 50% du nombre de demandes d’entreprise, et de près de 30% des salariés concernés. Les délais de paiement ont été accélérés. » Nous vérifierons et je reste mobilisé sur cette question.
Près de 150 000 entreprises ont fait une demande d’activité partielle et 1,6 million de salariés sont concernés. Tout cela semble ouvert aux aux assistantes maternelles, aux employés à domicile, aux VRP et cadres au forfait, selon Hélène Fily, de France Inter (https://www.franceinter.fr/…/qui-a-vraiment-droit-au-chomag…). Le ministère lui précisait hier : "Nous allons ouvrir les vannes, mais les contrôles a posteriori seront stricts ». Normal. Pas question de laisser les profiteurs profiter.
Ce n’est pas le moindre des problèmes. Dans cette bataille, les organisations syndicales et les salariés ont un rôle important à jouer, pour que l’argent public ne soit pas indûment touché d’une part, ou mal utilisé de l’autre. La question des versements de dividendes est toujours sur la table. Particulièrement pour les entreprises qui vont toucher des aides pour faire face à la crise. Mais dans cette période d’état d’urgence sanitaire, ne faut-il pas geler complètement la distribution de dividendes ? La question n’est pas sans écueils car les différentes mesures fiscales de ces dernières années ont favorisé le contournement du salaire, en particulier pour les chefs d’entreprises (même de petites). Dans une société, c’est l’assemblée générale, après approbation des comptes annuels et constatation de l'existence de sommes distribuables, qui détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes. Deux hypothèses sont à l’étude : interdire le versement des dividendes à partir d’un certain seuil, ou instaurer la taxation des dividendes versés à un très haut niveau au profit des comptes de la Sécurité Sociale, ce qui aurait aussi un effet dissuasif, afin que l’entreprise prend la décision d’affecter son résultat à autre chose qu’aux dividendes. Cela pourrait avoir quelques vertus pour toute l’économie.
Tout cela paraît d’autant moins exagéré que la fédération bancaire de l’Union européenne (FBE) et la Banque centrale européenne (BCE) ont recommandé aux banques de suspendre les dividendes pour préserver leur capital et leur capacité à prêter aux entreprises (BNP Paribas a décidé de verser 3,87 milliards, et la Société générale 1,88 milliard ». On pourrait en effet commencer par les banques.
Dans La Marseillaise (http://www.lamarseillaise.fr/…/81355-utiliser-les-dividende…), Angélique Schaller a interrogé hier Dany Lang, maître de conférences à Paris 13 et membre des économistes atterrés. Et c’est passionnant. « C’est le principe du capitalisme financiarisé que de donner la priorité aux actionnaires par rapport à toutes les autres parties prenantes des entreprises », explique-t-il. Cependant « quand elles prêtent, elles n’ont pas besoin d’avoir l’équivalent en cash, elles peuvent aller chercher de l’argent sur le marché interbancaire, auprès de la Banque centrale ou même créer de la monnaie, dans des limites légales et réglementaires ». Mais cet argent, elles vont en avoir besoin pour être solvables dans la période. Il appelle à leur faire savoir clairement qu’on ne les renflouera pas comme en 2008. Il appelle également à suspendre les marchés financiers : « Pour faire fonctionner notre économie, on ne peut pas se reposer sur des algorithmes qui sont là uniquement pour faire faire des bénéfices de très courts termes à des institutions financières. En temps normal, cela pose déjà problème mais là, on est dans un cas où l’économie ne fonctionne pas du tout. » Faisons-le. Et arrêtons cette machine infernale. Ne laissons le capital, ni gérer la crise, ni s’accaparer la relance.