Nous voici donc prolongés dans notre confinement nécessaire. Nous n’en mesurons sans doute pas toutes les conséquences. Nous sommes un peu enfermés avec nos questions. Il nous manque les rencontres, les embrassades, les moments partagés, les choses simples de la vie. Le monde continue sa course un peu au ralenti mais nombre des activités humaines se maintiennent peu ou prou. Les enfants et les jeunes poursuivent tant bien que mal leurs apprentissages. Ce n’est pas facile, dans ces conditions et les professeurs redoublent d’attention et de travail. Beaucoup de salariés pratiquent le télétravail. Le travail en phase de confinement est pénible. C’est une tension plus forte. Les relations humaines sont plus réduites, moins rondes. On ne peut pas exactement effectuer le même travail dans ces conditions. Même insensiblement, la préoccupation de la suite s’invite au milieu de tout ça. Le risque redouble de voir les maladies de l’épuisement professionnel et du burn out faire leur miel de cet enfermement. En tout cas, il n’a pas disparu. Ce n’est pas le moment de lâcher sur la santé au travail. Le ministère du travail doit s’exprimer sur cet enjeu pour faire baisser la pression.
Je pense aussi à celles et ceux qui sont à la tâche dehors parce que leur activité est immédiatement essentielle dans cette période. Et je m’inquiète de voir des industriels préparer un redémarrage prématuré, alors que le pic de crise n’est pas encore atteint. C’est inacceptable, mais n’est-ce pas la stratégie gouvernementale ? J’avais ce matin un entrepreneur du bâtiment au téléphone qui me commentait les préconisations du gouvernement pour continuer les chantiers. Comment veut-on que les ouvriers restent à distance sanitaire lorsqu’ils portent des charges ou installent un ascenseur ? Est-il possible de demander à des ouvriers de désinfecter les outils à chaque fois qu’ils changent de main ? Peut-on vraiment travailler avec moitié moins de personnes dans les bases de vie de chantiers ? A quel prix ?
La production automobile semble prête à être relancée, comme si le moment était au commerce de voitures, alors que trop de lieux de travail à usage immédiat, on manque du matériel de protection sanitaire. Dans EHPAD et les hôpitaux, on manque désormais de blouses à usage unique, qui sont désormais lavées et réutilisées. J’ai saisi les autorités sur ce sujet car l’Etat doit se mobiliser pour des solutions rapides. Et il doit veiller de près à prévenir toute pénurie de médicaments.
Je me suis encore aujourd’hui adressé à la direction d’Arcelor et au ministre concernant le site d’Arcelor, puisque demain, doit se tenir un Comité social et économique, afin de connaître la stratégie du groupe pour la gestion de la crise et de la relance. Il y a besoin d’engagements clairs.
Demain, à l’Assemblée, se tiendront les questions d’actualité au gouvernement. Ma collègue Elsa Faucillon, au nom de notre groupe, interrogera le gouvernement sur la distribution de dividendes et sur la façon dont le gouvernement envisage et prépare la sortie du confinement. Dans ce contexte, la question des tests, sur laquelle j’ai déjà interpellé le gouvernement par écrit la semaine dernière reste cruciale. Je serai membre de la mission d’information qui est en train de se constituer sur la crise du Covid-19. Nous n’en savons pas beaucoup plus aujourd’hui sur son champ d’intervention. J’ose espérer qu’elle puisse être un peu utile à conserver un tout petit minimum de vie démocratique dans la période, mais elle ne pourra pas suffire : il y aura beaucoup de leçons à tirer des événements. Je parle des soucis parce qu’e dans cette mêlée, nous devons faire face, mais il s’y révèle aussi des ressources, énergies, des désirs... Remonte la volonté de faire respecter le travail dans tous les métiers, remonte la volonté de relocaliser des activités de production, remonte la volonté de ne pas laisser la décision aux forces du marché, remonte la volonté de services publics...
Le docteur Marcel Touati vient de m’envoyer des réflexions qu’il a rendues publiques, dans lesquelles il explique que le virus « n’existe que dans son mouvement, sa transformation...». Et il remarque qu’il en va de même pour l’humanité. Une humanité paradoxalement appelée aujourd’hui à être mieux capable de faire corps. Une humanité qui doit reprendre la maîtrise de son destin et penser son mouvement vers l’avenir, avec ses transformations. Je sens des aspirations fortes qui cherchent leur chemin dans la société et qui le cherchent encore plus peut-être dans la tourmente de cette crise. Parlons-en. Nous vivons un moment important. Un noeud de l’histoire de l’humanité. Nous devons faire surgir de cette épreuve un nouvel imaginaire, une nouvelle force d’humanité pour changer profondément notre trajectoire, nos modes de vie, de production, de consommation, d’échanges. Remettre l’humain vraiment au coeur, cela appelle un effort considérable de confiance et de conscience, de rupture avec un monde ancien.