« Le plan complet de sortie du confinement évoqué hier par le président de la République doit être travaillé en consultation avec beaucoup d'acteurs pour être véritablement à la hauteur des enjeux, a déclaré Edouard Philippe. J'aurai l'occasion de le présenter, quand il sera prêt, largement avant le 11 mai. » Il serait temps de s’y atteler. Cela fait plusieurs semaines qu’on demande à ce qu’il soit élaboré. Non pas en surplus de la gestion de l’urgence mais comme partie intégrante. On s’interroge sur les retards à l’allumage, lorsqu’on entend le Président de la République annoncer au bout d’un mois de crise sanitaire aiguë que « les commandes sont désormais passées » et dire que la bithérapie utilisée par le professeur Raoult à Marseille « doit être testée »...
« Dans notre rapport de conjoncture finalisé à l’automne 2019, nous soulignions la menace potentielle de nouvelles pandémies virales, en particulier celles liées à l’émergence ou la résurgence de virus respiratoires ainsi que la nécessité de renforcer la recherche dans ces domaines. » L’ami Marc attire mon attention sur la motion de la section 27 du CNRS, en charge de l’immunologie. Le rapport en question n’est pas encore accessible mais nous étions donc alertés par la plus haute autorité scientifique sur le risque. Ainsi, lorsque le coronavirus a pointé le bout de son nez au début de l’hiver, les indicateurs généraux montraient qu’il fallait prendre la menace au sérieux.
L’organisme l’a souligné à plusieurs reprises : il « constate que l’érosion constante des moyens attribués aux laboratoires ainsi que la complexification et la fragmentation des sources de financements et des systèmes de gouvernance des laboratoires constituent des freins puissants à la recherche scientifique » et que « ceci affecte particulièrement les recherches menées aux interfaces interdisciplinaires concernées par cette nouvelle pandémie. » Et il tirait à l’automne le signal d’alarme sur « la faiblesse des financements alloués à de nombreux laboratoires du domaine de la virologie, bactériologie, parasitologie et de l’immunologie fondamentale ainsi que la faiblesse du support de base du CNRS et le manque de moyens humains issu de la diminution du recrutement des chercheurs et ITA dans les laboratoires ». Or l’inquiétude ne date pas d’hier. Il est écrit dans le dernier rapport de conjoncture du CNRS, en 2014 : « Les maladies virales émergentes dues à l'apparition de nouveaux virus (par exemple les virus de la grippe H5N1 et H7N9, ou les coronavirus SARS ou MERScoV), à la ré-émergence d'un virus (les virus de la rougeole ou de la rubéole), ou encore à la découverte d'une pathologie virale présente dans la population mais sous-estimée ou non dépistée (virus de l'hépatite E, Ebola), constituent également des axes de recherche importants, certaines de ces infections virales pouvant conduire à des pandémies difficiles à maîtriser. Le risque de pandémie du virus Ebola qui sévit depuis le début de l'année en Afrique de l'Ouest en est l'illustration. » Et l’institution de signaler en introduction que « les projections de la mortalité pour les décennies à venir apparaissent terrifiantes », prévoyant entre 8 à 17 millions de décès annuels dus aux infections en 2030, contre 12 millions pour les cancers et 10 millions dus aux maladies inflammatoires ou auto-immunes . Et de se plaindre de voir les financeurs publics, non sans « partenariats industriels incitatifs », enjoindre les chercheurs de « se hâter au lit du malade afin de lui trouver le meilleur traitement ». Et c'est là, explique le CNRS « qu'éclate le douloureux paradoxe, car la recherche fondamentale sur le vivant ne pourra être exploitée au bénéfice d'une recherche finalisée pour la santé et le bien-être, que si elle est vivement encouragée et fortement soutenue ». C’était en 2014. Et ce n’était pas la première fois que la chose était dite par des chercheurs.
La section 27 appelle donc à « mobiliser et coordonner l’ensemble des acteurs et équipes de recherches concernés » dans un plan national « COVID-19 et pathogènes respiratoires émergents » de grande ampleur. Non sans souligner le rôle décisif que peut et doit y jouer le CNRS. Cet après-midi, la mission COVID-19 de l’assemblée nationale auditionne le président du Conseil scientifique et la directrice générale de Santé Publique France. J’avais prévu d’interroger sur la stratégie de test, qui doit être clairement énoncée et sur la question de l’immunisation collective, mais il faudra avoir ce sujet en tête. La recherche publique a été écrasée par les politiques néolibérales. Il faut également que sous l’égide de l’OMS, les avancées de la recherche soient partagées comme un bien commun, c’est d’ailleurs la meilleure façon d’accélérer les découvertes. Il faut arrêter d’accumuler le retard.
La journée avait commencé avec ce message qui m’annonçait qu’Antoine Santoru est parti. Le promeneur de Port-de-Bouc a pris la poudre d’escampette à cause de ce satané virus. Antoine c’était toujours un sourire bienveillant, toujours un encouragement, toujours un espoir au coeur. Je me rappelle encore de l’exposition organisée par le photo club, qui a choisi de porter son nom, autour de ses photos voici quelques mois. Quelle découverte ! Il est de celles et de ceux qui ont contribué à forger l’âme, la belle âme de Port-de-Bouc. Adieu Antoine.
Et j’ai appris dans la matinée que René Gaudino avait lui aussi pris le large. René, lui, il a contribué à forger l’âme de Martigues, dont il a été l’un des bâtisseurs et l’une des intelligences créatives. Né dans une famille de pêcheurs de l’Ile, il était un amoureux de la mer. Je me souviens de nos rencontres sur le port de Carro, et de cette convivialité sans flonflons, si profonde. Je me souviens de ces encouragements, de cette présence rassurante. Adieu René.
Et nous, qui sommes même empêchés de partager la peine, à demain.