Dire les choses

L’audition du désormais célèbre Professeur Jérôme Salomon, directeur général de la santé au ministère, et de madame Katia Julienne, directrice de l’offre de soins, a confirmé le chemin qu’il reste à parcourir pour savoir un peu mieux où l’on va.  Du côté des masques, la catégorie « grand public », serait conseillée dans des situations de promiscuité, lorsque les gestes-barrières ne peuvent être respectés, par exemple dans les transports en commun. Chacune, chacun aura-t-il droit à un masque ?

Du côté des tests, pour les diagnostiques, qui permettent de savoir si l’on est porteur du virus, on sent un petit élargissement de la doctrine, mais c’est encore trop limité. L’Institut Pasteur a rendu les conclusions d’une étude intéressante permettant de valider trois tests sérologiques permettant de savoir si l’on a développé des anticorps (sans savoir s’ils protègent). Nous avons besoin d’en savoir plus sur la situation et sur son évolution, d’avoir des moyens de mesure pour réussir le déconfinement progressif. Du côté de l’hôpital, toujours pas d’embellie en vue pour les moyens et il faut se préparer à un gros coup de fatigue. là encore, nous ne pouvons pas être enfermés dans une sorte d’éternel présent où il suffirait de se laisser porter par le courant, et d’absorber des évolutions imperceptibles. On a le sentiment, et j’ai pu le dire au directeur général, que la doctrine s’adapte aux moyens sans le dire, ce qui pose des problèmes de transparence et surtout de compréhension de la situation (voir ma question). Nous devons élever le niveau d’éducation sanitaire et cela ne se fera pas en traitant les gens comme de petits enfants (et il faut bien traiter les petits enfants). France Info révélait ce matin que 8500 respirateurs artificiels sur les 10 000 annoncés ne sont d’aucune utilité pour les patients en réanimation. Le ministère a été obligé de préciser qu’il s’agit en effet de réanimateurs « d’urgence et de transport ». Pour annoncer des gros chiffres, tout n’a pas été dit et voilà...

L’enjeu sanitaire dépasse le seul Covid-19, même si celui-ci mobilise des forces nombreuses. Mais l’appel à la reprise de l’activité de soins n’est pas clair, comme si les autorités soupesaient leurs responsabilités et laissaient le terrain prendre les siennes. On a donc le sentiment d’être vaguement pris dans un mouvement général non formalisé, encouragé par des intentions gouvernementales non explicitées. Et contradictoires. Lorsque le directeur général de la santé explique que « le déconfinement sera réussi si le confinement est réussi », alors que la veille, on avait le sentiment que l’économie se déconfinait sous l’impulsion du gouvernement lui-même...

Pour compléter le tableau, un article du Monde vient mettre en lumière l’incohérence qu’il y avait à faire des annonces sur l’école hors de toute vision d’ensemble : il semblerait que le ministre ait parlé sans autorisation... Mais si l’on veut que les conditions soient créées (et les annonces ministérielles n’y suffisent largement pas), il faut maintenant mettre des cartes sur la table. Nous sommes assez grands pour comprendre !

Il y en a qui ne se privent pas de dire les choses, et même de les écrire : le MEDEF a envoyé un courrier au gouvernement le 3 avril dernier pour demander « un moratoire sur la préparation de nouvelles dispositions écologiques et environnementales ». Il y a pourtant urgence à s’occuper du sujet et à accélérer le mouvement. Parlons-en !

Le 24 avril, le monde se souvient du génocide du peuple arménien. Voici plus d’un siècle, maintenant, s’organisait un crime contre l’humanité, dans lequel ont été assassinés méthodiquement des hommes, des femmes et des enfants. Comment peut-on, encore aujourd’hui, ne pas le reconnaître ? Comment peut-on ajouter encore à la souffrance, à l’indignité, à l’insupportable. Le crime commis contre le peuple arménien, la tentative de le faire disparaître avec sa culture, c’est une blessure profonde et vive pour toute l’humanité. Le reconnaître, cela aide à rendre l’avenir possible. Ne pas oublier, c’est lutter contre tous les génocides, toutes les haines, tous les racismes et les violences et se porter au côté de tous les peuples opprimés. La mémoire est là, et avec vous je veux la faire vivre parce que cela vient nous rappeler que nous sommes l’humanité, ou plutôt que nous devons l’être. Mieux, ensemble. Et si l’on prend une minute pour regarder les choses sous cet angle, c’est fort ce que nous avons en nous d’Arménie. Alors, je me souviens. 

Et je profite de cette chronique pour adresser un salut à mes amis de ScopTI, et avoir une pensée émue pour Gérard Affagard. A quelques mois de sa retraite, il avait choisi de rester dans la bataille au côté des siens malgré les sirènes : il avait été un acteur inlassable et courageux de la lutte des Fralibs, pour maintenir la production de thé à Gémenos. 

 

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