Lettre à M. Jean Castex, Premier ministre et Mme. Roselyne Bachelot, Ministre de la culture - 14 décembre 2020
Monsieur le Premier ministre,
Madame la Ministre,
Depuis le début de la crise sanitaire, le monde de la culture et de l'art est empêché de créer et de se produire, publiquement. Or, nous avons besoin de la culture et de la création artistique pour vivre non pas comme un divertissement mais comme un élément essentiel pour comprendre le présent, vivre pleinement, traverser les épreuves et se projeter dans l'avenir.
On aurait pu espérer que le gouvernement avait tiré les enseignements de l'épisode des librairies, devant l'émoi suscité par leur fermeture et la mobilisation pour leur réouverture. On aurait pu penser que, plutôt que de vider nos existences d’art et de création à une période où nous en avons le plus besoin, il aurait fait le choix de leur faire de la place dans les meilleures conditions.
Ce qui pouvait, non sans efforts, être plaidé comme une erreur il y a quelques mois se répète aujourd'hui et apparaît pour ce qu'il est : un choix délibéré et pleinement assumé. La culture n'a décidément pas sa place dans les politiques menées depuis trois ans. C'est un choix stérilisant qui peut s'avérer dangereux pour la démocratie comme pour nos vies. Il conforte les dynamiques de repli et d’isolement. Notre peuple en souffre.
Lors de la première vague, les théâtres et les cinémas avaient adopté des protocoles sanitaires extrêmement stricts et acceptés par leurs publics. Ils étaient ainsi parvenus, sans prendre le moindre risque sanitaire, à un fonctionnement plutôt satisfaisant. Personne ne peut comprendre, aujourd'hui, que ces lieux soient fermés pour raison sanitaire quand d'autres accueillant du public sont ouverts et sans aucune limitation du nombre de personnes.
C'est tout le sens de la mobilisation du monde de la culture. C'est aussi celui de la colère de nos concitoyens empêchés de partager, de s’exprimer, de se rencontrer, de s’émouvoir, de s’interroger...
Les arguments avancés ne tiennent pas : comment peut-on dire en substance qu’il faut bien réduire les flux quelque part et que c’est justement à l’endroit de la culture qu’on va le faire de la façon la plus implacable ? Comment peut-on continuer dans cette voie si longtemps ? Comment peut-on confirmer ce choix alors que ces périodes de fête vont déjà être largement rabotées ?
La crise que nous traversons appelle, au contraire, à trouver les voies d’une vie culturelle retrouvée.
Il y a urgence à reconnaître la culture comme un bien commun essentiel.
C’est pourquoi je soutiens les mobilisations en cours et je vous demande de bien vouloir reconsidérer sans délais les décisions que vous avez annoncées voici quelques jours.
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