Pierre DHARRÉVILLE, député des Bouches du Rhône

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Santé au travail. Encore une occasion manquée !

PPL Renforcer la santé au travail - Discussion générale, lundi 15 février 2021

 

On meurt encore au travail. On abîme encore sa vie au travail. On peut encore perdre sa vie à la gagner comme ces travailleurs et travailleuses de l’amiante des industries du Golfe de Fos et d’ailleurs. Mais tout cela est masqué.

A l’endroit du travail, l’humain est placé au carrefour d’une contradiction sociale structurante. Il participe à une oeuvre collective, il apporte sa part de réponse aux besoins, en louant sa force et son intelligence. On peut y exprimer une part belle de soi-même, s’y accomplir. Mais on se trouve aussi au lieu où s’exercent ces pressions qui veulent l’humain productif, compétitif, rentable, profitable. On peut l’ignorer et se dire qu’il n’y a là que des accidents et des fautes d’inattention, on peut minimiser la révélation de plus en plus forte des troubles psycho-sociaux. Alors on fera de la santé au travail une gentille attention à se rappeler de temps en temps.

Mais si l’on a conscience de ce qui se joue au travail, du temps qu’on y passe dans une vie et des risques qu’il y a pour qu’on y laisse quelque chose de son intégrité, alors on en fera un combat résolu qui veut changer le travail. Au travail aussi, la règle doit être de créer les conditions d’un état de complet bien être physique, psychique et social, sans quoi il n’y a pas d’épanouissement, pas d’émancipation. Le travail ne doit pas être une zone grise. Où l’on accepterait l’inacceptable pour répondre à des exigences de production. Il faut faire face au maltravail, à la crise du travail.

C’est une bataille. Une bataille menée dans les entreprises, au plus près des postes de travail, dans le réel. Menée par des salariés, des syndicalistes, des mutualistes, des médecins… Souvent trop seuls. 

Or le premier acte posé dans cette législature a été un geste scélérat, un choix coupable, un signal insoutenable. Avec ses ordonnances de casse du code du travail, la majorité de cette assemblée a démoli le monument qu’étaient les Comités d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail, et s’est attaqué aux avancées arrachées sur la reconnaissance de la pénibilité. Un mot qui ne plaît pas, parce qu’il y a des réalités qu’on ne veut pas voir. 

Et nous voici ici en session de rattrapage, et c’est une occasion manquée.

Le gouvernement a donné une feuille de route pour un Accord national interprofessionnel, adopté sans enthousiasme ni unanimité. C’est le gouvernement qui aurait dû en assumer la présentation. Le fait que ce soit une fraction de notre assemblée n’est pas un gage de co-construction. Il faut rappeler qu’un accord de ce type traduit un état du rapport de forces social et on ne peut pas dire qu’il soit très favorable. Pour cet ensemble de raisons et parce que nous sommes ici pour faire un peu plus qu’enregistrer, nous allons discuter les propositions qui sont sur la table. 

D’autant que vous avez souhaité y ajouter quelques éléments de votre crû. 

Avec ce projet, nous sommes dans un tout petit périmètre, et si quelques mesures ne mangent pas de pain, d’autres nous semblent problématiques. Je veux saluer cependant le choix d’un archivage du document unique, en regrettant que ce ne soit pas au sein d’une institution sociale ou publique, car cela fragilise le dispositif. C’était une mesure que j’avais proposée dans mon rapport sur les maladies professionnelles dans l’industrie.

En revanche, on voit poindre l’organisation d’un système à deux vitesses avec la création d’une offre socle pour les services de prévention et de santé au travail, et donc celle d’offres premium autour desquelles se développera un marché. Quid de l’obligation de moyens en matière de santé ? Nouveau marché également avec l’ajout d’un système de certification par des organismes privés. 

On ne peut que s’interroger devant cette visite dite de mi-carrière, qui ressemble à une façon d’installer l’idée que les autres visites intermédiaires pourraient être dispensables. Au passage, c’est quand vous voulez pour les décrets concernant la visite de fin de carrière qui attendent d’être publiés depuis 2018. On reste également dubitatif devant ce rendez-vous de liaison assez indéfini qui n’a pas été discuté.

Il y avait pourtant beaucoup à faire, pour rendre incontournable la prévention, pour lutter contre les maladies éliminables et les risques, pour une action concrète sur les situations de travail, par exemple à travers un cadastre des maladies déclarées et reconnues, pour rehausser la responsabilité des employeurs, pour renforcer l’indépendance des services de santé au travail et leur capacité d’action, par exemple en les intégrant dans l’univers de la sécurité sociale, pour le lien des médecins du travail avec les centres hospitaliers universitaires, pour la reconnaissance des maladies dont les tableaux sont à l’arrêt, pour un outil efficace contre l’exclusion par l’inaptitude et bien d’autres choses encore. Il faudra y venir et le plus tôt sera le mieux.

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