Des articles « sûrs et vérifiés »... Sur son site web, le gouvernement fait son petit marché et il sélectionne ses articles dans quelques médias, auxquels il donne son estampille. Il met en avant ce qui l’intéresse et au rebut tout ce qui l’embarrasse. Belle conception de la presse, qui lui a valu un tollé venu de nombreuses rédactions.
En lisant les journaux ce matin, il a dû trouver que l’information n’était pas assez sûre et vérifiée sans doute, à l’endroit de son projet de loi de prolongation de l’état d’urgence sanitaire. Sanitaire, cela décrit les circonstances, mais ça reste l’état d’urgence, c’est à dire, les pleins pouvoirs à l’exécutif. Emmanuel Macron et Edouard Philippe n’ont pas l’intention de s’encombrer d’un Parlement trop actif et veulent continuer à diriger le pays en tête à tête. Et nous voici donc suspendus aux sentences vespérales du premier et aux traductions ambiguës du deuxième.
C’est le cas pour la culture en tous domaines : on s’alarme de toutes parts. Le bruissement d’inquiétudes des intermittents a fini par arriver jusqu’aux oreilles du grand berger qui a informé par un tweet qu’il ferait des annonces mercredi en la matière. Et ses annonces nous pleuvront donc dessus.
Nous devons donc protéger notre « appareil créatif » autant que notre « appareil productif ».
La situation est en effet préoccupante, parce que la saison est compromise, les projets entravés, le travail empêché... Et pourtant, nous aurons tant besoin de créer, de vibrer, de partager, de se rencontrer. Nous devons donc protéger notre « appareil créatif » autant que notre « appareil productif ». Un échange avec un ami directeur de théâtre attire mon attention sur l’effort d’inventivité auquel nombre d’acteurs et d’actrices du monde des arts et de la culture sont en train de se livrer : essayer d’imaginer les formes d’une reconquête patiente de l’espace et du temps sous la menace de la pandémie. Cela remet en lumière le processus créatif, le travail derrière l’oeuvre, la façon dont ce qui naît vient du réel et de la rencontre. Cela remet en avant tous les lieux de culture qui avaient été éclipsés par les vaisseaux gigantesques où l’on nous appelle à venir recevoir le produit markété avec sa mécanique bien huilée. Cela nous ramène à l’art, à l’artisanat, à la façon, à la manufacture au sens premier, sans laquelle rien ne peut exister. Il faut en prendre soin et le financer au nom de l’intérêt général.
Dans de nombreux secteurs, les mois qui viennent semblent orageux. Dans celui de l’hôtellerie-restauration et du tourisme, on se demande de quoi sera fait l’avenir. De jeunes commerces risquent d’avoir beaucoup de mal à se relever et de moins jeunes également. Il faut que les dispositifs soient suffisamment sécurisants pour faire face.
Devant le Sénat, le Premier ministre a annoncé une mesure en faveur des jeunes dans le besoin : une prime de deux cents euros en juin « aux étudiants ayant perdu leur travail ou leur stage et aux étudiants ultramarins isolés qui n'ont pas pu rentrer chez eux » et « aux jeunes de moins de 25 ans, précaires ou modestes, qui touchent des APL ». Il était temps de faire quelque chose pour eux, mais on voit bien que cette prime ne peut pas suffire à faire face aux besoins de deux mois et demi d’une part et l’on se demande si les critères ne laissent pas un trop grand nombre de jeunes sans revenus de côté. Le rapport que je suis en train d’achever avec une de mes collègues pour la commission des affaires sociales mettait cette question en exergue : nombre de jeunes se sont retrouvés complètement démunis depuis le 15 mars. Beaucoup d’entre eux l’étaient déjà avant.
Pour le reste, la philosophie qui anime l’action du gouvernement afin de faire face au risque sanitaire me semble toujours marquée par la tentation autoritaire. Le rôle et les moyens de ces fameuses « brigades » méritent d’être précisés et le but poursuivi par la constitution d’un fichier centralisé éclairci. L’action de l’Etat pour garantir le droit aux masques à égalité dans tout le territoire doit être au rendez-vous. Les conditions de la reprise du travail doivent être examinées par les instances représentatives du personnel dans les entreprises. Des réponses claires doivent être apportées. Plus claires que celles faites aux maires pour la réouverture des écoles, auxquels on a envoyé un pavé de recommandations qui ressemble à un parapluie. Des réponses « sûres et vérifiées »...
Un mot de plus pour l’adieu à Idir, une grande voix du monde, une grande voix de l’Algérie, une grande voix de la Kabylie, une grande voix de la France. Il faisait de la musique un langage universel, une passerelle entre les peuples. Il aimait chanter avec d’autres, pour que les mots soient partagés. Idir était un artiste courageux et libre, humble et fédérateur. Dans la douceur de ses mélopées on prenait confiance en l’humanité.